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Reprendre la Parole !

Patriote ALGERIEN démocrate et laïc, Républicain attaché au progrès et à la justice sociale. Farouchement jaloux de ses droits et pleinement engagé pour leur défense.

Ghania Oukazzi; Au delà d'une simple condamnation : La question identitaire.

 


 

 

 

Lors de sa conférence de presse au lendemain de la réunion de la tripartite, Ahmed Ouyahia, a répondu en Kabyle à une question posée dans la même langue.  La journaliste du Quotidien d’Oran, Ghania Oukazzi, s’en est offusquée. Elle s’est emportée non seulement parce qu’elle ne comprend pas le Kabyle, mais parce qu’à ses yeux les institutions doivent  s’exprimer en langue de cérémonial. 


Si la bonne dame s’était limitée à la première motivation, elle aurait été dans son droit. D’ailleurs le maître de cérémonie lui interprété en arabe la réponse faite quelques secondes plus tôt en Kabyle. Mais dans son élan fougueux notre journaliste a étalé en 5 secondes, tout ce que ses articles passés et à venir ne pourront effacer : sa méconnaissance de l’Algérie et son mépris hautain de la réalité plurielle de notre peuple.

 

C’est en langue nationale et officielle que le premier ministre aurait dû répondre ! Bien sûre dans cette affirmation le plus important est le mot « officielle ». « Officielle » c’est plus « civilisé », plus « évolué », alors que « nationale » renvoie plus au peuple, aux patois des masses populeuses.

 

Il ne viendrait pas à l’esprit de cette « grande » journaliste de s’interroge sur ce qui est le plus important dans les deux qualificatifs ? Qui du caractère national ou de l’officialité est le plus pérenne?

 

Depuis la crise « berbéro-matérialiste » de 1949, l’idée que l’arabe est la langue du peuple algérien a prédominé dans le mouvement national. Aux lendemains de l’indépendance elle s’est traduite par une politique volontariste d’arabisation qui va au-delà de la prise en charge de la langue pour viser une arabisation au sens identitaire. Une politique de mutilation identitaire prélude, à « l’insu de son propre grès », à la néo-islamisation en cours depuis les années 90. Je me souviens, au milieu des années 80, d’une discussion avec le coordonnateur du centre universitaire de Tizi-ouzou, qui m’expliquait que la venue d’étudiants de Chlef, Médéa, Blida, et d’autres régions en application de la  « carte universitaire » visait le « brassage des populations » ! La formation d’un Algérien nouveau. Belle réussite, où pour ne pas parler des tueurs mutants tout droit sortis de l’école algérienne, le moins pire semble être Mme Oukazzi.

 

Face à la persistance de la complexité du réel identitaire national algérien les officiels ont toujours répondu par des pirouettes. Des formules auxquelles ils faisaient dire  ce qu’elles ne disaient pas. A l’exemple de la fameuse déclaration de l’ancien  président de la République, Chadli Benjedid, qui affirmait que les algériens sont des amazigh arabisés par l’islam. Tel est le cas d’une partie des algériens, mais pas de tous. C’est donc là une formule creuse qui perpétue l’occultation du problème identitaire et culturel. La loi, sur plusieurs décennies,  a nié les langues populaires, officiellement elles n’existaient pas. Cette vérité officielle a-t-elle infléchie le réel ? Ces langues exclues ont-elles cessées pour autant d’être constitutives de notre identité et de notre patrimoine national ?  L’Etat s’était posé dans une attitude de défiance à l’égard de la société, avec une volonté de changer le peuple, et de le faire rentrer dans un moule hérité des conceptions du jacobinisme français.

 

Dans les débats du MCB, le Dr Mouloud Lounaouci  n’avait de cesse de souligner l’influence de ce model et de le critiquer. Mais peut-être que le mouvement culturel dans son ensemble n’a pas accordé suffisamment d’importance à cet élément du débat ; à la fois dans la critique de la démarche de l’Etat algérien, mais aussi dans la formulation de ses revendications propres. Jusqu’à un certain point le MCB lui-même était enserré dans une  logique identitaire  hiérarchisante semblable à celle du pouvoir. L’arabe est « langue nationale et officielle », alors thamazight doit l’être aussi. Reproduisant ainsi l’erreur du  Mouvement national face à la colonisation Française.

 

Ne faut-il pas s’interroger sur la pertinence des revendications du mouvement culturel telles qu’exprimées jusqu’à présent ?  Ne faut-il pas distinguer entre le statut et la fonction d’une langue. En ce sens que Tamazight et l’arabe sont sans contestation possible des langues algériennes. La consignation de ce FAIT  dans la constitution du pays va de soi. Alors que la question de leurs capacités à faire office de langue officielle se pose dans le cas de l’une ou de l’autre. L’Arabe malgré son officialité depuis un demi-siècle ne parvient pas à évincer la langue française. Et, si Tamazight devait simplement remplir cette fonction dans les mêmes formes que la langue arabe classique, force est de reconnaitre que la chose est d’ores et déjà possible par le biais du Tamazight académique en vogue dans certains milieux. 

 

Ne faut-il pas rompre en urgence avec cette façon d’arborer la fonction d’officialité comme justification d’une prétendue supériorité ou d’une plus grande légitimité ? La hiérarchisation des éléments identitaires est porteuse de risques de fragmentation de l’identité nationale. Elle trouve sa justification dans des approches idéologiques, qu’elle consolide en retour.

 

Comment sortir de cette situation dangereuse?  Des deux possibilités qui s’offrent à nous sur cette question des langues seule la seconde peut mener à l’apaisement et à un début de sortie de cette hiérarchisation : 

 

1)      Introduire Thamazight comme langue officielle, même si cela conduit à la reproduction des erreurs induites par l’idéologisation du statut de l’Arabe.

 

2)    Distinguer le statut National des langues algériennes, de leurs usages dans les espaces institutionnels, politiques, culturels, économiques… La consignation du caractère national de l’Arabe et de Tamazight suffit à faire obligation de leur promotion par l’Etat. Et, les politiques de cette prise en charge, nécessairement évolutives et adaptatives, seront du ressort des institutions élues et exécutives.

 

A l’évidence, et ce n’est pas Mme Oukazzi qui pourra me contredire, elle qui a protesté en langue française.  La problématique ne sera complète que si la question du statut de la langue Française est abordée. Non seulement pour ce qu’elle continue à être utilisée comme langue de travail, d’enseignement et de communication ; mais surtout parce qu’elle est la langue véhiculaire  d’une large part de notre mémoire politique, scientifique et culturelle. La perdre, ne reviendrait-il pas à se couper du vécu du mouvement national, des écrits de Kateb, Feraoun, Mammeri, Djebar...?

 

La constitution devrait mettre en exergue l’Algérianité dans son unité. Elle ne peut être le lieu de la singularisation ou de la hiérarchisation de ses éléments constitutifs. L’usage des langues pourrait être réglé par la une loi ordinaire façon de rappeler que l’usage cérémoniale n’implique aucune hiérarchisation.   

 

L’autre pendant de la question est la forme organisationnelle de l’Etat.  Question sur laquelle je me contente de reprendre à mon compte l’approche de Si Salah Boubnider que je reproduis par ailleurs.  

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